Présenter

Lorsque Régine Charvet Pello, la Présidente-Fondatrice de l’agence qui est à l’origine du design du tramway, rencontra Guy Charlot, à l’époque Inspecteur d’académie dans le département de l’Indre-et-Loire, ils échangèrent juste sur une idée, une simple idée de partage de compétences entre les entreprises déjà engagées sur le chantier et la grande diversité des jeunes lycéens de l’agglomération tourangelle. Cependant, il ne s’agissait finalement au printemps 2011 que d’un simple accord de principe. Personne ne pouvait dire alors, et l’ampleur du projet, et l’enthousiasme de chacun dans sa réalisation.

Dès la rentrée suivante, un groupe de 4 inspecteurs de l’enseignement technique prirent en charge la conduite de cette affaire. Ils parvinrent à convaincre des proviseurs de lycées professionnels et avec eux un premier groupe d’enseignants en arts appliqués de suite très impliqués pour suivre cette idée dans leurs classes de seconde avec des élèves créatifs et prolifiques. Au fur et à mesure, au terme de multiples réunions pour débattre et choisir, réunions au sein desquelles participaient déjà tant les industriels d’Altstom ou de CitéTram que des artisans d’art contactés par la Chambre de métiers, le projet se concrétisa et prit forme entre les mains des jeunes élèves encore surpris d’être ainsi placés en véritable situation de créer une œuvre technique et quasi-culturelle, unique.

Observer
S’inspirer

C’est en déambulant à travers les rues de la ville de Tours que l’œil photographique parcourt l’architecture, la nature et le mobilier urbain afin de recueillir ces quelques images pouvant faire naître l’inspiration auprès des élèves pour la création des bourgeons du tramway.

Une promenade sensorielle rencontrant des bourgeons métalliques sur les clôtures des jardins, des têtes sculptées, des bas reliefs ou plus en détail, l’écorce du cèdre du Liban, la peau frippée de Fritz l’éléphant, les veines des feuilles, les ondes et les reflets de la Loire. Chaque détail est une histoire qui nous est racontée, une écriture imaginaire offerte à qui sait être un passant curieux, rêveur et attentif.

Concevoir
Dessiner

Pour les élèves, concevoir le « bourgeon », c’est inventer l’inconnu. Ne connaissant pas l’objet fonctionnel originel, ils vont devoir élaborer un objet remarquable, faisant sens et personnalisant les rames du tramway. De recherches sur le contexte et l’environnement, de goûts personnels, de rencontres avec des artisans, les élèves vont dégager des pistes d’étude et réaliser les premières esquisses : formes ébauchées, raturées, corrigées, redessinées. Dans cette réflexion où la pensée mène le crayon, le geste devient dessin qui lui-même est source de questionnement à l’origine de nouvelles envies. Les planches réalisées en gris ou en couleurs présentent des croquis couvrant au hasard des feuilles ou sagement alignés sur celles-ci. Ces dessins sont les premiers bourgeons, les planches des supports de discussion. Peu à peu, les idées retenues sont déclinées, allégées, enrichies jusqu’à ce que la forme devienne une évidence. Les 21 bourgeons vont recevoir un nom par lequel ils seront désignés, créant ainsi un lien affectif avec les usagers du tram qui retrouveront, par le toucher, les tracés des formes imaginées.

Modeler
Maquetter

Du dessin à la maquette les « bourgeons » poursuivent leur évolution. Les élèves sculptent, modèlent, découpent, incisent, associent des volumes simples pour obtenir des formes élaborées en polystyrène, argile ou plastiline. Cette activité manuelle qui transforme le dessin en volume donne une nouvelle dynamique au projet. C’est en effet au cours de cette fabrication que le concepteur rencontre sa création. Le toucher prend une part importante dans les choix de l’apparence du « bourgeon ». La rugosité, le granuleux, la finesse de la matière, le froid et le doux deviennent des caractéristiques essentielles.

La manipulation de ces petits objets procure différents points de vue et ouvre l’opportunité de les comprendre dans leur environnement et de finaliser la réflexion sur les matériaux et les principes de fabrication.

Sélectionner
Prototyper

De la matière grise à la matière minérale et aux métaux il n’y avait qu’un pas. Les élèves des lycées professionnels ont relevé le défi ! Imaginer les bourgeons à partir de l’observation de l’environnement tourangeau, puiser dans la nature l’inspiration nécessaire, revisiter une idée artistique moyenâgeuse… tout cela pour produire des dessins originaux et symboliques : ils l’ont fait ! Des dizaines de projets artistiques, autant de prototypes en plâtre, pâte à modeler, pâte Fimo… il n’y avait que l’embarras du choix pour le jury. Très attentif aux travaux présentés, à la sélection des dessins, puis des maquettes des bourgeons, le jury a longuement étudié chaque projet. Les cerveaux sont en ébullition, les discussions et les échanges vont bon train, chacun essayant de convaincre l’autre sur ses préférences. Au final 21 bourgeons les plus représentatifs de notre Touraine sont élus. A découvrir par les usagers du tram au fil des voyages.

Fabriquer

C’est allier comme en fonderie les métaux, les techniques modernes des industriels d’aujourd’hui et le savoir-faire des artisans de toujours, avec l’enseignement donné aux jeunes qui feront demain la relève des métiers.

De la dextérité et de la précision, de la minutie dans le maniement des outils, du respect des auteurs dans la recherche de la possible technique, la mise en forme de la pièce pesante dans les mains tout droit sortie de la fraise ou du sable, de la forge ou du tour lie enfin l’invention pratique avec l’imagination des débuts.

Valoriser

Faire c’est bien, savoir faire encore mieux mais faire savoir est indispensable pour aller jusqu’au bout du projet d’un point de vue pédagogique. Ce sont les élèves et les étudiants de l’image, des mots, de la communication et de l’édition qui ont pris le relai de ce projet dans sa dernière phase pour mieux le comprendre, le synthétiser puis le valoriser dans toutes ses dimensions sans en perdre ni la qualité, ni la valeur artistique.

C’est l’exercice essentiel et nécessaire pour mesurer et créer la valeur du travail (bien) fait.

Le printemps des bourgeons

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Lorsque l’on est fier de son travail, de ce qu’il a coûté en énergie et en réflexion, on peut être fier de le montrer. Les ¾ des acteurs présents parmi les 300 personnes associées de près ou de loin au projet des bourgeons du tramway, sont des jeunes élèves des lycées professionnels, des apprentis, des étudiants. Ils représentent le printemps des entreprises et méritent bien ce témoignage de reconnaissance. Car il est toujours nécessaire de communiquer sur son savoir-faire, surtout quand il est partagé, échangé, complété. Le tour de force n’était pas tant d’imaginer, de concevoir, de fabriquer, ce que chacun des membres de cette aventure vit tous les jours ou apprend tous les jours. Il fallait surtout travailler ensemble pour un projet a priori impossible à conduire, à plus forte raison dans le cadre seul d’un lycée ou d’un seul atelier. L’enthousiasme et la chaleur lorsqu’il fallait produire, comme la crainte d’une douche froide alors que nous cherchions durant de longues semaines à financer ce projet, ces changements de directions et de vents caractérisent véritablement ce printemps particulier. Parce que les bourgeons sont d’abord nés du rêve puis de l’inconscience, puis de l’idée même qu’il faut oser pour s’imposer, sans peur de se tromper. Surprenants voyageurs qui partagent le même désir de se faire mieux connaître, chacun sera ainsi surpris de grandir avec ses bourgeons au fil du tram, quelle que soit la saison, quelle que soit la raison.